J’ai découvert Monument Valley à Paris… 3 ans déjà et je ne me lasse pas de ce jeu de réflexion paisible et coloré. Un temps de jeu numérique ET intelligent, porté par un très beau design.
Vos enfants sont-ils adeptes de jeux sur téléphones et autres tablettes? Pour patienter chez le médecin, dans la queue au supermarché, voire, tout le week-end? Ou jouent-ils sporadiquement, car en parents conscients, vous ne les autorisez à toucher votre téléphone qu’exceptionnellement (ils ne faudrait pas qu’ils soient coupé totalement de la technologie après tout?). Je remarque que la plupart des jeux proposés tournent autour de courses-poursuies effrénées (collectons les pièces d’or/billets/diamants!) ou autres jeux de plateforme sollicitant les réflexes (de l’index) afin d’éviter une mort passagère suite à de violentes collisions. Autre concept, devenir un petit groom : soigner des animaux (mais rapidement sinon les maîtres sont mécontents et la clinique vétérinaire perd de l’argent évidemment), ou refaire une beauté à Angela (Angela est une chatte très coquette et bavarde, qui ne sait pas, contrairement aux autre individus de son espèces, faire sa toilette seule). Beaucop de ces jeux sont « gratuits », jusqu’à ce que la carte de crédit soit indispensable pour débloquer le niveau « île paradisiaque », ou le rouge à lèvres n°23. Si toutefois ces ressorts antiques des premiers jeux vidéo étaient valorisés par un design ou scénario particulier… malheureusement c’est rarement le cas.
Sachez pourtant qu’en cherchant un peu, un autre choix est possible! Les équipes de Ustwo ont travaillé pendant 13 mois au développement de Monument Valley. Le scénario, l’esthétique, la musique, les énigmes mécaniques, les personnages… Ustwo a imaginé, pensé, testé, modifié et peaufiné chaque aspect de son jeu avant son lancement en 2014.
Le joueur accompagne la princesse Ida au cours d’un voyage à travers des structures et édifices labyrinthiques composées d’illusions d’optique et de mécanismes discrets rendant l’impossible (ou l’impassable pour les fans d’Alice au Pays des Merveilles) possible. Les compositions isométriques (le rendu en deux dimensions de structures en trois dimensions) est à la fois déstabilisant et féerique. Patience, observation, concentration, prise de hauteur ou focalisation sur un détail permettront au joueur de faire progresser Ida dans sa quête. L’interaction réfléchie du joueur avec l’environnent de la princesse, l’activation de plateformes, les changements de vues, l’observation de l’étrange peuple-corbeau lui permettra de révéler des ponts, des arcades cachées, des escaliers. Aucun indice sur ces mécanismes, sur l’histoire de la princesse, ce qu’elle est, ce qu’elle cherche, ou comment l’aider à avancer. C’est l’attention portée aux structures, aux couleurs, et sa propre imagination qui guide le joueur sur le chemin du jeu.
L’histoire de la princesse demeure assez obscure. Certains personnages distillent quelques indices au cours des différents chapitres. Le design, l’onirisme, l’univers du jeu prennent le dessus sur le scénario, assez secondaire. L’aventure pour Ustwo a été initiée par Ken Wong, artiste et game-designer membre de l’équipe. C’est autour d’un de ses croquis d’une architecture impossible que les équipes ont élaboré tout l’univers du jeu (rappelant en effet comme souvent mentionné, les travaux E. C. Escher). Ken Wong, pour le développement, s’est inspiré d’autres créations indépendantes, comme Windosill (autre magnifique réussite), et d’estampes japonaises pour l’univers graphique. Il s’est imposé que chaque chapitre (ou niveau), puisse être imprimé, et affiché comme objet de décoration.
Les critiques ont souvent remarqué la courte durée du jeu et son niveau de facilité. Pour autant, les dix chapitres sont étonnants de graphismes et couleurs associés, et les puzzles ou labyrinthes m’ont tenue en haleine un moment ; ). Ustwo a par la suite lancé un deuxième volet, « Forgotten Shores », utilisant de nouveaux mécanismes. En ce qui concerne les enfants (c’est bien par là que j’ai commencé), s’ils apprécient les couleurs, les casse-tête, les formes géométriques et les univers fantastiques, ils apprécieront dès 6 ou 7 ans de passer un moment avec Ida… Une pause paisible, esthétique et intelligente et délicate.
D’autres jeux indépendants et bien pensés existent sur les plateformes iOS, Android, ou sur le web, mais je souhaitais parler de Monument Valley car Ustwo est un outsider du jeu vidéo qui a pris le temps (plus d’un an), et s’est donné les moyens (une équipe pluridisciplinaire) d’imaginer un produit très qualitatif, avec l’envie de proposer un bel objet numérique. Monument Valley n’est pas resté secret dans une niche d’amateurs-gamers, mais s’est vendu en masse : 500 000 exemplaires en un mois, et plus de 25 millions depuis le lancement en 2014. Il est donc possible de d’inventer, de construire, et de bien vendre des produit exceptionnels, de belle facture, pensés pour le plaisir visuel et l’esprit curieux des utilisateurs.
Monument Valley est disponible sur l’AppStore et Google Play.